Tentative de contre offensive algérienne au Sahel, sur fond de « guerre diplomatique » avec Rabat

La presse algérienne de samedi perçoit la tournée au Sahel du ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, comme une tentative de « reconquérir le terrain perdu en Afrique », sur fond de « guerre diplomatique » avec le Maroc sous-tendue par la « question sahraouie ».

 

Outre les déplacements de Lamamra en Mauritanie, au Mali et au Niger, les journaux rappellent la récente visite du chef de la diplomatie burkinabé et la venue prochaine du Secrétaire d’Etat américain à Alger, estimant que la nouvelle stratégie traduit la volonté algérienne de « s’imposer dans sa zone d’influence directe qu’est la sous-région du Sahel », d’autant que cette offensive « coïncide avec la dégradation de la situation sécuritaire en Libye et en Tunisie ».

 

« Les deux capitales du Maghreb se livrent, depuis quelques semaines, à une véritable « guerre » diplomatique qui vise à gagner le maximum de voix des pays du Sahel autour de la question sahraouie. Des visites officielles et des aides humanitaires, sous forme de dons et d’argent, les deux capitales maghrébines jouent toutes leurs cartes pour avoir le monopole au Sahel », écrit « Le jeune indépendant », relevant qu’au moment où Lamamra est en tournée officielle dans les pays du Sahel, « son rival marocain, en l’occurrence Salahdinne Mezouar, est, quant-à-lui, au Sénégal ».

 

Et de poursuivre : « Il se trouve que le Maroc veut à tout prix avoir le soutien des pays du Sahel et du Maghreb, et ce en intensifiant les visites marocaines dans la région. Mohamed VI a, rappelons-le, participé à l’investiture officielle du nouveau président malien, Boubakar Kaita, alors que tout le monde sait que le roi marocain organise rarement des visites dans les pays du monde ».

 

« Il faut d’abord rappeler et il est difficile de le croire que c’est la  première fois depuis 14 ans qu’un ministre algérien des Affaires étrangères effectue des visites officielles dans cette région, celle effectuée par Medelci, il y a tout juste un an, entrait dans un cadre multilatéral, le Comité de soutien et de suivi sur la crise au Mali », a déploré l’ex-diplomate Abdelaziz Rahabi dans une déclaration au média d’information TSA.

 

« Le chef de l’État non plus n’a pas effectué une seule visite dans la région alors qu’il en a effectué sept en France. Liamine Zeroual avait fait, en 1996, en pleine crise politico-sécuritaire, une tournée dans la région », note M. Rahabi qui estime que la tournée de Lamamra dans les pays du Sahel ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt.

 

Selon lui, « l’Algérie est absente de l’Afrique, sa seule profondeur stratégique. Le continent africain n’a pas figuré parmi les priorités de la politique extérieure de Bouteflika ».

 

« Nous avons réduit, pour des raisons de calculs politiques internes, notre politique extérieure à un simple cadre commercial et sécuritaire avec l’Europe et les USA », a regretté le diplomate.

 

 Pour le quotidien L’Expression, « dans un environnement instable sur le plan sécuritaire, la diplomatie algérienne serait décidée à se redéployer dans les pays du voisinage. Si sur le plan militaire, elle refuse de jouer le rôle du gendarme de la région, rien ne l’empêche de le faire sur le plan diplomatique. Et apparemment, c’est ce qu’elle cherche à réaliser ».

 

« Depuis le dernier remaniement ministériel opéré le 11 septembre dernier, cette diplomatie donne l’impression d’avoir trouvé un nouveau souffle avec la nomination de Ramtane Lamamra à sa tête, jeudi dernier. Ainsi, le ministre des Affaires étrangères a entamé une tournée régionale qui devait le conduire en Mauritanie, au Mali et au Niger », poursuit la même publication.

 

Evoquant la visite du Secrétaire d’Etat américain à Alger, annoncée pour les 6 et 7 novembre, Le Soir d’Algérie croit savoir que les entretiens porteront « essentiellement sur la situation sécuritaire au nord de l’Afrique », en ce sens que « John Kerry présentera aux responsables algériens les axes d’une nouvelle politique de coopération : politique, sécuritaire et économique ».

 

« Sur le plan économique, les Américains souhaiteraient intensifier les échanges et les investissements en faisant en sorte de sortir du secteur des hydrocarbures. Intimement liées, politique et sécurité pourraient donner lieu à une nouvelle forme de coopération. C’est notamment le cas du secteur de l’armement », spécule le journal, qui estime encore qu’ « un rapprochement entre Algériens et Américains serait perçu comme un « lâchage » par le palais royal et les lobbyistes pro-marocains ».

 

« Kerry se trouve donc face à une situation très sensible. Il devra rassurer et trouver des solutions concrètes pour soutenir concrètement le rôle de l’Algérie. Le Secrétaire d’Etat sait que l’Algérie est un élément-clé dans la stabilisation du Sahel », conclut le journal.