Comme ce fut le cas dans les années 1970, l’Algérie se sert aujourd’hui du gaz comme d’une «arme diplomatique et géostratégique» contre le Maroc, écrit le magazine panafricain «Jeune Afrique».
Près de cinquante ans après le choc pétrolier de 1973, «le gaz redevient une arme diplomatique dont les autorités algériennes n’hésitent pas à user dans leur conflit avec le Maroc», souligne le média dans un article mis en ligne lundi sous le titre «Algérie: le gaz, une arme à double tranchant».
Dans ce sillage, après les menaces, Alger a décidé de ne pas renouveler le contrat du Gazoduc Maghreb-Europe (GME), qui dessert l’Espagne et le Portugal à travers le territoire marocain, dans l’objectif de «punir» le Maroc et de «l’asphyxier» économiquement, observe Jeune Afrique.
«La décision de recourir à l’arme du gaz obéit à des considérations politiques», note le magazine, rappelant que cette arme sera à nouveau utilisée dans la crise diplomatique qui oppose Alger et Madrid en lien avec la question du «Sahara occidental».
L’Algérie a réduit de 25% ses livraisons de gaz à l’Espagne, selon el Economista
En représailles à la décision de l’Espagne de soutenir le plan d’autonomie marocain pour le règlement de ce conflit qui dure depuis 1975, en avril, dans le contexte de la guerre en Ukraine, le PDG de Sonatrach affirmait ne pas exclure de recalculer le prix du gaz livré à l’Espagne, très dépendante des approvisionnements en provenance d’Algérie.
«Décodé, le message est plutôt clair. Les Algériens ont les moyens de faire pression sur les Espagnols en guise de représailles à leur revirement sur la question du Sahara», soutient-on.
S’interrogeant sur la marge de manœuvre des autorités algériennes dans ce dossier hautement sensible, leurs capacités d’aller jusqu’au bout de ces menaces et le prix à payer, le média panafricain estime qu’en cas de rupture unilatérale de ce contrat, la bataille judiciaire risque d’être longue et pas forcément en faveur de Sonatrach.
«Il n’y a aucun fondement juridique pour arrêter de fournir du gaz aux Espagnols sous prétexte que ces derniers en cèdent une partie au Maroc», tranche Roger Carvalho, analyste et directeur du cabinet SPTEC, spécialisé dans les hydrocarbures en Afrique et au Moyen-Orient.
Le gaz, arme à double tranchant? Le risque de perdre cette bataille juridique et de régler une facture qui peut se chiffrer en milliards de dollars est donc gros pour Alger, soutient le magazine.
«Le gaz comme arme diplomatique et géostratégique? Le levier énergétique a ses limites et ses contraintes. Sonatrach n’a pas les moyens et les capacités d’approvisionner davantage l’Europe dont elle assure déjà 11% des importations de gaz. Elle en a d’autant moins les capacités que la consommation énergétique interne est en hausse de 10% par an en raison du développement économique et de la démographie», observe-t-on, en notant que le volume de consommation locale dépasse d’ailleurs aujourd’hui celui des exportations.
Difficile d’inverser la tendance à moyen terme ou à court terme, quand bien même Sonatrach annoncerait un plan d’investissement de 40 milliards de dollars entre 2022 et 2026 pour explorer, produire et raffiner le gaz, estime Jeune Afrique.
«De là à ce que le groupe pétrolier couvre les besoins du marché local, se positionne comme un acteur principal sur le marché international et permette ainsi aux dirigeants du pays d’actionner le gaz comme une arme, il y a loin de la coupe aux lèvres», conclut-on.