Un fonctionnement diplomatique à revisiter

L’intention des Suédois, prévisible depuis 2012 quand la majorité actuelle, dans l’opposition alors, avait recommandé la reconnaissance de la RASD, même si cette reconnaissance est entrée dans une zone ambigüe, révèle des défaillances dans le système diplomatique marocain. Si depuis 2000, il s’est montré plusieurs fois proactif, il semble avoir perdu de sa réactivité. Assurément Rabat a gagné, récemment encore, sur d’autres terrains, notamment en ce qui concerne la reconnaissance par l’Union Européenne et d’autres puissances de la légalité et de la légitimité de son activité économique au Sahara. Aucun succès cependant ne peut atténuer l’urgence d’un nettoyage sérieux des écuries d’Augias
« Avec la même fermeté et la même détermination, nous nous sommes attachés à donner une forte impulsion à notre diplomatie, en veillant à ce que la fermeté sur les principes, le pragmatisme dans les approches, l’efficience des moyens d’action et la tangibilité des résultats enregistrés soient ses atouts majeurs. Nous la voulons constamment mobilisée pour défendre la cause sacrée du Royaume, celle de son intégrité territoriale, préserver les intérêts supérieurs de la nation, consolider son rayonnement à l’échelle régionale et internationale et contribuer activement à son développement par le biais d’une diplomatie économique efficiente. »

Ce passage sur la diplomatie marocaine est extrait du discours de Mohammed VI du 30 juillet 2009. Appliquée à l’affaire du Sahara, cette orientation a donné ses fruits. Depuis la marche verte, jamais le Maroc n’a été aussi bien dans sa peau sur le terrain diplomatique que lorsque le souverain avait décidé dès son avènement en 1999 d’infléchir la ligne de défense marocaine devant les instances internationales en appliquant ce percept de « la fermeté sur les principes et [du] pragmatisme des approches. » Pour ceux qui n’ont pas vécu cette période ou ne s’en souviennent que passablement, tout se passait comme s’il y avait un partage des acquis entre Rabat et Alger : Au Maroc le contrôle du terrain, à l’Algérie les succès diplomatiques. Chaque sommet de l’OUA, chaque session de l’assemblée générale de l’ONU, chaque réunion de la quatrième commission de cette instance internationale étaient une souffrance pour les diplomates marocains. Certes, l’air de l’époque dominé par les vents de l’est que faisait souffler la défunte Union soviétique sur le monde, n’était pas étrangère à cette situation. Mais le fait était là.

La décision de Mohammed VI de prendre acte, en même temps que les instances internationales, de l’enlisement dans lequel se trouvait le processus référendaire et de prospecter d’autres voies que le choix entre la souveraineté totale du Maroc et l’indépendance de Sakiat Al Hamra et Oued Eddahab, la situation a énormément évolué. L’acceptation en 2000 du Plan Backer I par Rabat avait pour la première fois contraint Alger à dévoiler son jeu en offrant comme contre-proposition le partage du territoire entre le Maroc et le Polisario. Elle mettait de cette manière à nu ses intentions hégémoniques et ses visées sur la façade atlantique. Elle montrait sur son vrai jour son fallacieux attachement au sacro-saint au principe d’autodétermination des peuples. Se rendant vite compte des dégâts que cette position allait avoir sur ses choix stratégiques, Alger se rétracta rapidement. Mais rien n’allait être plus comme avant.

La diplomatie marocaine n’était pas encore dans le confort absolu, mais évoluait de plus en plus à l’aise à l’Onu, à Genève, au parlement européen à Strasbourg…, plaçant souvent l’Algérie dans la défensive. Même lorsqu’il y a eu le feu à la maison quand la représentante des Etats Unis au Nations Unies avait décidé d’adopter la recommandation de la fondation Kennedy d’élargir les prérogatives de la MINURSO à la supervision des droits de l’homme au Sahara, Rabat réussit à retourner la situation en sa faveur. L’histoire de la reconnaissance de la RASD par la Suède, entrée depuis 24 heures dans une zone ambigüe, est autre chose. Entre les deux capitales, les convergences, qu’il s’agisse de la coopération économique, des affinités culturelles, de la sécurité internationale ou encore des alliances militaires, rien n’est au même niveau qu’avec par exemple Paris ou Washington. Vus d’ici, les Scandinaves nous sont toujours apparus comme un monde à part. Si donc cette reconnaissance aboutit, elle risque de nous inscrire dans un autre horizon par une possible réaction en chaine dans les pays scandinaves, voire ailleurs.

Ce n’est sans doute pas cet acte qui sortira le Maroc du Sahara. Mais outre qu’il est susceptible de créer à Rabat de sérieuses difficultés, surtout si Stockholm accède comme il y aspire au conseil de sécurité, cet acte prévisible depuis 2012 quand la majorité actuelle, dans l’opposition alors, avait recommandé la reconnaissance de la RASD, révèle des défaillances dans le système diplomatique marocain. Si depuis 2000, il s’est montré plusieurs fois proactif, il semble avoir perdu de sa réactivité. Assurément Rabat a gagné, récemment encore, sur d’autres terrains, notamment en ce qui concerne la reconnaissance par l’Union Européenne et d’autres puissances de la légalité et de la légitimité de son activité économique au Sahara. Aucun succès cependant ne peut atténuer l’urgence d’un nettoyage sérieux des écuries d’Augias.

Naïm Kamal